L’Arboretum de Jacques Tournier

La réalisation d’un arboretum consiste d’abord à effectuer pour chaque arbre une étude généalogique classique puis à déterminer l’évolution des caractéristiques de chaque arbre compte-tenu de son environnement. La première approche serait d’ordre historique, la seconde plutôt sociologique.

L’Arboretum dont j’ouvre la première page à 80 ans après 60 années de recherche, m’a permis de découvrir mes soixante-quatre pentaïeuls nés entre 1680 et 1740 et tous les intermédiaires conduisant jusqu’à moi.

* * *

Finalité de l’Arboretum

Dans une communication de Robert Poidebard à l’académie de Lyon le 24 juin 1941, j’ai trouvé la fondation de mes travaux amorcés à la même époque, car à la recherche des qui, cet auteur ajoute celle des comment, agrandissant ainsi la finalité traditionnelle de la généalogie grâce aux biographies qui permettent la découverte des genres de vie et de leurs corollaires, celle des caractères. Après avoir montré que la généalogie se trouve à mi-chemin entre les parties de cache-cache de l’enfant et les filières du limier, il écrit :
" Le genre de vie du Lyonnais à travers les âges n’est plus un secret. Espérons que son caractère ne restera pas une énigme grâce aux plus fréquents contacts, petites consolations dans nos grands malheurs ".
Je trouve dans ce propos une explication à cette constatation : le Lyonnais de 1950 est intrinsèquement bien différent de son aïeul de 1750 pour la raison toute simple que la Révolution est passée par là. De même les bouleversements de mai 1968 ont créé un Lyonnais de l’an 2000 bien différent de ses prédécesseurs - à l’exception de quelques dinosaures bien entendu !

Les grandes étapes historiques ne sont d’ailleurs pas seules en cause : voyons l’esprit de la bourgeoisie que n’ont pu abattre les évolutions politiques, ni les revers de fortune. Or, cette répulsion congénitale pour toutes incursions dans l’organisation de la vie privée est aujourd’hui mise à bas par le seul fait de la Sécurité Sociale subvenant obligatoirement aux besoins de tous.

Après les qui et les comment, on est irrésistiblement conduit à s’intéresser aux pourquoi.


Méthode

La connaissance d’un homme et d’une femme vivant il y a trois ou quatre siècles passe d’abord par la consultation des archives privées. Nos lointains aïeux ont souvent laissé des écrits retraçant les bons et mauvais moments de leur vie, décrivant leurs préoccupations religieuses, familiales, professionnelles, voire artistiques et scientifiques, ainsi que celles de leur entourage. À la chance de pouvoir retrouver ces écrits s’ajoute parfois le souvenir de quelques traditions familiales porteuses d’une part de vérité.

Les services d’archives publiques permettent ensuite de vérifier les dates essentielles, naissance, mariage, décès, grâce aux registres paroissiaux et aux fiches d’état civil, et éventuellement de restituer l’environnement immédiat de ces dates par la consultation d’archives familiales. Leur présence dans un service d’archives publiques tient à une collaboration avisée entre l’archiviste public et l’archiviste privé qui, soucieux d’assurer la pérennité de ses trésors, s’en fait le donateur.

* * *

La réalisation d’un arboretum ne doit être ni acte de commémoration, car je ne vois rien à commémorer, ni acte de remémoration car il faut rejeter l’idée du bricolage rétrospectif. Je veux seulement mémoriser en transcrivant d’abord ce que j’ai vécu, ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu et surtout en complétant cette mémoire subjective, qui est la mienne, par une mémoire objective, celle laissée par les écrits des acteurs de mon arboretum avec leur signature sur des actes officiels, avec leurs lettres, avec leur journal personnel et des écrits divers.

Je suis fier de voir l’Arboretum démontrer l’aspect délétère des élucubrations de certaines personnalités de notre temps. Je suis hérissé en trouvant sous la plume de l’une d’entre-elles (Mme S.A., 2000) : " notre époque doit apprendre à se libérer du passé " et " l’oubli du passé de leurs parents est un devoir des nouvelles générations ".

Merci aux archives publiques et tout particulièrement aux Archives municipales de venir au secours de mes archives privées pour répondre non à de telles adjurations et m’aider à remplir le devoir de mémoire qui est imparti à chacun d’entre nous.



Bibliographie

Jacques TOURNIER, L’arboretum : supplément généalogique, avec le concours d’Henri-Claude COUTAGNE et de Michel FRANCOU, Lyon, Jacques Tournier, 1998, 108 p.

Jacques TOURNIER, L'arboretum : livret N° 1 : correspondance d'un " taupin " pensionnaire au lycée Blaise Pascal à Clermond-Ferrand, année scolaire 1873-1874, Lyon, Jacques Tournier, 2000, 81 p.

Jacques TOURNIER, L'arboretum, tome 1, avec le concours de Jacques BERTHOLON, d’Henri-Claude COUTAGNE et de Michel FRANCOU, Lyon, Jacques Tournier, 2000, 385 p.