Il était d'usage
au 16e siècle de demander à des artistes peintres
les plans visuels nécessaires au travail de l'administration
royale ou municipale, et pour d'autres besoins encore. L'artiste
de la Renaissance, en tant qu'uomo universale, se devait d'appliquer
ses capacités de dessinateur à toutes sortes de
projets, fussent-ils purement techniques. Jean Perréal
et Bernard Salomon, à Lyon, ont oeuvré ainsi dans
cette cartographie sommaire. On en touvera un exemple dans l'exposition
avec le plan d'Ecully, qui pourrait bien être de Jean Perrissin,
l'auteur avéré avec Ramus d'un plan de Gorges-de-Loup
très proche dans la technique et dans l'écriture
(A.D.R.). A cette époque, la charge de voyer de la ville
était celle d'un contrôleur des travaux. Ce n'est
véritablement qu'aux siècles suivants que la rationalisation
des techniques de lever des plans, nécessitèrent
le recours à de véritables spécialistes.
A la fin du Grand Siècle,
la ville de Lyon demandait encore à son peintre en titre
d'exécuter un plan visuel de la paroisse de La Guillotière.
Il est mentionné dans les délibérations et
les comptes de la Ville parmi les multiples ouvrages que H. Verdier,
peintre ordinaire de la Ville, a fait par ordre du Consulat pendant
l'année 1697. On notera que la destination de ce travail
n'y est pas précisée :
"Pour avoir fait
un tableau denviron 4. pieds de large representant la veue de
lion, et perspective de la guillotière avec ses dépendances......
56. [livres]
Pour un autre Tableau
rep[rése]ntant la même veue et perspective..56."
(A.M.L. : CC 2858, f° 198v°).
Elève d'Antoine
Ranc, à Montpellier, chez qui il se lia d'amitié
avec Hyacinthe Rigaud, Henri Verdier s'installe à Lyon
à une date inconnue. Il est élu maître de
métier de la communauté des peintres de cette ville
en 1683 et 1687. Le 12 février 1693, le Consulat le nomme
aux fonctions de peintre ordinaire de la ville de Lyon. Dans cet
emploi, dont il démissionne le 6 novembre 1721, il est
amené à exécuter de nombreux portraits (certains
connus par la gravure). Il lui faut également peindre l'ornement
et travailler aux réjouissances publiques. A notre connaissance,
cette modeste vue perspective, non signée, constituerait
le seul témoignage de Verdier peintre, en dehors d'un Mariage
mystique de Sainte Catherine, signé et daté de 1689,
qu'Antoine Schnapper croit pouvoir lui attribuer de préférence
à son homonyme et contemporain François Verdier
(cf. "L'Assomption de la Vierge de François Verdier",
La Revue du Louvre et des musées de France, 1964, n°
6, p. 323, n. 3).
L'artiste a voulu représenter
le mandement ou territoire de Béchevelin, situé
sur la rive gauche du Rhône. La vue est prise à l'aplomb
du domaine du Vinatier. Elle met en évidence la convergence
des routes dauphinoises dans la direction de la ville de Lyon
qu'on reconnaît très bien à l'arrière-plan.
Une nomenclature formée de lettres alphabétiques
(A-Y) et de chiffres arabes renvoie à la légende
qui se trouvait autrefois au dos du plan.
Le point de vue, adopté
par Verdier, est exactement à l'opposé de celui
choisi par le dessinateur et graveur Bouchet pour sa Carte De
la Guillotière, et du Mandement de Bechevelin (1701) (d'après
Verdier ?) qui est jointe au Recueil des principales pièces
du procez jugé au Conseil d'Etat du Roi, en faveur du présidial
de Lyon contre le Parlement de Grenoble, Lyon, L. Langlois, 1702.
Le conflit qui opposait le présidial de Lyon et le parlement
de Grenoble pour la juridiction du bourg de La Guillotière
et du mandement de Béchevelin avait trouvé sa résolution
dans l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat, à la date
du 9 mars 1701. Reconnue, dès-lors, faubourg de Lyon, La
Guillotière demanda néanmoins, peu avant la Révolution,
à être réunie au Dauphiné. A la suite
du Siège de Lyon par les armées de la Convention,
en 1793, elle fut rattachée au district de Vienne. Redevenue
faubourg de Lyon, trois ans plus tard, la commune de La Guillotière
conserva sa propre municipalité jusqu'au 24 mars 1852,
date du décret par lequel elle fut réunie à
Lyon avec les commune de La Croix-Rousse et de Vaise.
Bibl. - Paul Saint-Olive, "Le Mandement de Béchevelin",
Revue du Lyonnais, 3e série, t. XIX, 1875, pp. [301]-312.
- André Steyert, "Le Mandement de Béchevelin,
ses limites et ses paroisses", ibidem, t. XX, 1875, pp. [450]-sqq.
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