Le 19 janvier 1784,
les frères de Montgofier renouvelèrent à
Lyon les expériences d'élévation dans les
airs d'un aérostat qui, quelques mois plus tôt, avaient
étonné Paris et Versailles. Le ballon, d'une dimension
encore jamais atteinte, avait été baptisé
"Le Flesselles" du nom de l'Intendant de Lyon. Le 5
juin de la même année, le ballon "La Gustave"
s'élevait au-dessus de Lyon en présence du roi de
Suède, Gustave III. Ces démonstrations enthousiamèrent
les Lyonnais. L'académie de Lyon, vivement intéressée
par les aspects techniques de l'entreprise, ajouta encore à
la ballomanie qui faisait rage dans toute l'Europe. Non contente
de publier un intéressant recueil sur le sujet (Cf. Rapport
fait à l'académie des sciences, belles-lettres et
arts de Lyon, Sur l'Expérience de l'Aérostat, faite
le 19 Janvier 1784 ; Auquel on a joint une Dissertation de quelques
Académiciens, sur le Fluide, principe de l'Ascension des
Machines aérostatiques développées par l'action
du feu, s.l.n.d., 8-20 p., pl. gravée hors texte), la Compagnie
savante mettait au concours, l'année même des premières
ascensions lyonnaises, tel sujet : "Indiquer la manière
la plus sûre, la moins dispendieuse et la plus efficace
de diriger à volonté les machines aérostatiques".
La bibliothèque de l'Académie conserve un grand
nombre des mémoires et des plans parmi les quelque cent-un
projets qui lui ont été adressés (Ms. 233).
Le prix pour la dotation duquel l'intendant Flesselles et M. de
St-Vincent avaient avancé la somme de 1200 livres tournois,
fut renvoyé à l'année 1785 avant d'être
définitivement retiré. On ignore comment le projet
de Sarrazin qui paraît en rapport avec ce concours, s'est
retrouvé dans les fonds des Archives Municipales. L'un
et l'autre fait pourraient s'expliquer à la lumière
des ordonnances de polices rendues à Lyon, les 20 novembre
1783, 27 mars et 6 mai 1784, et par lesquelles il est défendu
à quiconque de procéder à des expériences
aérostatiques en raison des risques d'incendie qu'elles
font courir :
"Nous croyons
devoir prévenir le public, que le Gouvernement, convaincu
des malheurs qui pourraient résulter de l'abus des Ballons,
& combien ils pourroient occasioner d'incendies dont il seroit
difficile d'arrêter les progrès, a donner des ordres
dans toutes les Provinces, pour arrêter la fabrication &
l'usage de semblables Machines, même de tous Aérostats
que voudroient entreprendre des personnes sans connaissance ni
capacité ; & pour faire précéder les
expériences que voudroient faire des personnes savantes
& éclairées, d'une permission expresse du Gouvernement."
(Ordonnance de police, 6 mai 1784, Lyon, Imprimerie de la Ville,
1784, p. 2).
L'auteur de ce projet,
"sans connaissance ni capacité", est peut-être
la personne de même nom qui avait inventé une machine
pour fabriquer les bas à côte avec maille à
l'endroit et à l'envers, invention sur laquelle les académiciens
Brisson et Montluel ont fait un rapport en 1782. L'Indicateur
alphabétique de Lyon pour l'année 1788 mentionne
un sieur Sarrasin, marchand "clincailler", place des
Terreaux.
On sait que le silphe,
avant de désigner un genre d'insectes de l'ordre des coléoptères,
était le nom des génies élémentaires
de l'air dans la mythologie celtique. L'idée de s'aider
de rames pour guider l'aérostat était celle, aussi,
de Mongolfier comme nous l'apprend une lettre du comte d'Antraigues,
en date du 28 juin 1784 : "Mongolfier est encore à
Annonai, nous attendons le ballon que le roi doit lui envoier.
Il a imaginé de garnir la galerie entre le ballon et le
foyer d'une toile tendue à 15 pouces de distance, afin
que ceux qui seront dans la galerie ne soient point incommodés
par la chaleur. Les rames pour essaier de le diriger sont faites
et prêtes à être posées. Dès
que le ballon sera ici nous ferons des essais." (L.A. citée
dans le Catalogue de la bibliothèque de Paul Dissard, Lyon,
1930, p. 65, n° 565). Cinq ans plus tard, un obscur baron
Scott, capitaine de dragons, fait paraître à Paris
une brochure, ornée de planches, sur un Aérostat
dirigeable à volonté...
Bibl. - Jean-Baptiste
Dumas, Histoire de l'académie royale des sciences, belles-lettres
et arts de Lyon, Lyon, Giberton & Brun, 1839, 2 vol. ; en
particulier vol. 1, pp. 170-175, 211, et 315. - Pierre-Louis Clément,
Les Mongolfières : leur invention, leur évolution
du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Tardy, 1982,
193 p., ill.
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