Littré donne
pour définition du mot ratinage : "Opération,
dite aussi frisage, qui a pour effet de rouler ou onduler les
filaments qui constituent le duvet de la surface d'une étoffe
de laine, pour lui donner une apparence moutonnée ou d'une
moire opaque." L'opération s'effectue par écrasement
des fibres au cylindre ou à la calandre. L'usine flottante
détaillée par les plans de Bal de Verrière
était amarrée sur la rive droite du Rhône,
à la hauteur du quai St-Clair.
Ces plans accompagnent
un factum intitulé Précis pour les Sieurs Eynard,
Beniquet & Décroix, propriétaires en société
de la Frise démolie par les ordres du consulat ; des moyens
et des causes qui ont engagé les saisies dont MM. les consuls
demandent main-levée, s.l.n.d., 4 p. (A.M.L. : DD 308,
pièce n° 70). La date de 1785 est donnée par
les auteurs du catalogue cité en référence.
Avant d'y prélever les principaux détails de l'affaire,
il est bon de rappeler quelques faits. La construction du quai
St-Clair (1749-1761) s'était accompagnée d'une vaste
opération de spéculation foncière avec la
création de la rue Royale. Le négociant Antoine
Tolozan y avait fait édifier un bel immeuble qu'on peut
toujours admirer. Son fils, Louis Tolozan de Montfort (1726-1811),
nommé prévôt des marchands en 1785, paraît
s'être beaucoup inquiété, durant son administration,
de dégager la vue de ses appartements. L'avocat des propriétaires
de la "frise" ne se gêne pas pour l'écrire
:
"Il est de publicité
que M. de Tholosan menaçoit depuis longtemps les édifices
qui coupoient la vue de sa maison sur la largeur du Rhône,
de leur destruction.
La congélation de ce fleuve lui ouvrit l'occasion la plus
favorable de mettre à proffit son dessein ; un procès-verbal
dressé par l'Ingénieur de Varenne, en couvroit la
manoeuvre, & une ordonnance impérative en couronna
le projet.
L'usine de la société fut détruite à
grands frais, parce que le temps prefigé pour la démolition
étoit fort court.
Lorsqu'il s'agit de la reconstruire, MM. de la Ville s'y opposerent
à mains armées, sans autres raisons de leurs défenses
que leur autorité absolue.
[...]
Les associés de la frise, bercés, bernés,
bourrelés par de vaines promesses, par de fatiguants prétextes
qui ont duré pendant près de six mois, pressés
d'ailleurs par le dépérissement de leur bois &
agrets, donnerent assignation à MM. de ville aux fins de
convenir d'experts pour en apprécier la détérioration.
Cette demande est restée sans réponse, & des
experts nommés d'office ont procédé à
cet inventaire d'évaluation.
Le rapport et les dires qui en ont été dressés,
furent dénoncés à la Ville, qui dédaigna
également de fournir de défenses ; enfin tous les
délais révolus ; on obtint jugement de la condamnation."
Etc.
Le 13 décembre
1787, le prévôt des marchands se félicitait
de ce que le Consulat avait obtenu gain de cause, quelques mois
plus tôt, contre le sieur Gence à qui l'on contestait
la permission accordée, en 1776, pour amarrer son "bateau
de bains" au quai St-Clair. L'un des reproches faits à
cette installation, avec les risques d'écueil pour la navigation,
était d'avoir "conduit à masquer et dénaturer
un quay construit à grands frais et l'un des plus beaux
ornements de la Ville" (A.M.L. : BB 366, f° 264). Tolozan
de Montfort concluait en trouvant de bonne augure le jugement
évoqué "dans la contestation qui a pour objet
le déplacement de quelques autres usines non moins dangereuses
que celle de Gence, pour la solidité des Quays et la sureté
de la navigation".
L'auteur de ces relevés,
l'architecte lyonnais Bal de Verrière, avait des compétences
très variées si l'on en juge d'après telle
notice d'Almanach où il est dit qu'il "peint le portrait
et l'histoire, raccomode les anciens tableaux" (cité
par François-Régis Cottin, "Les Architectes
et l'académie de Lyon au XVIIIe siècle", Revue
du Lyonnais, t. I, n° 1, 1977, p. 51). Il s'est surtout occupé
de travaux d'estimation.
Bibl. - E.L.G. Charvet, Lyon artistique : architectes : notices
biographiques et bibliographiques, Lyon, Bernoux & Cumin,
1899, p. 11. - Alain Charre, Catalogue des plans et vues de Lyon
au XVIIIe siècle, mémoire de maîtrise, université
Lyon II, 1972, dactylographié, p. 78.
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