L'exposition internationale
urbaine de Lyon, en 1914, a été voulue et, dans
une large part, conçue par le jeune maire Edouard Herriot
comme le manifeste de la science nouvelle de l'urbanisme. La diffusion
du mot (forgé par un Lyonnais en 1912) est contemporaine
de l'Exposition ; Herriot est l'un de ses premiers utilisateurs
dans la préface du Guide de l'Exposition. Ailleurs, il
écrivait ceci où transparaît le débat
sur les questions d'urbanisme qui agitait alors le milieu des
décideurs lyonnais et dont l'un des protagonistes était
Tony Garnier (1869-1948), l'auteur d'un projet de Cité
industrielle (publié en 1917) :
"Voici donc notre
Exposition lyonnaise ouverte. Au début, nous ne voulions
qu'une manifestation réduite à l'étude des
formes diverses de l'activité urbaine. Nous voulions, nous
voulons encore présenter sous ses aspects différents,
La Cité Moderne. Ce sont nos amis qui nous ont entraînés.
L'ardeur soutenue de mes deux commissaires généraux,
M. Jules Courmont, professeur à la Faculté de Médecine,
et M. Louis Pradel, membre de la Chambre de Commerce de Lyon ;
le talent d'un architecte, unique entre tous, M. Tony Garnier,
dont le nom sera bientôt célèbre [...] tout
cela nous a conduits à amplifier notre programme. Internationale
dès le début, notre Exposition s'est faite universelle.
De la science la plus sévère à l'art le plus
concret, toutes les formes intéressantes de l'activité
humaine ont réclamé et occupé leur place.
Malgré la réserve à laquelle nous sommes
condamnés, nous osons affirmer que l'Exposition de la soierie
lyonnaise, les reconstitutions de notre Mobilier national, les
présentations de nos manufactures, le délicieux
groupement des arts décoratifs, notre Salon de peinture
qui va du classicisme au futurisme, forment un ensemble d'une
haute tenue qui donnera aux visiteurs l'impression la plus forte
de la persistance du génie et du goût français."
(E. Herriot, "Une Exposition", La Chronique des expositions,
Paris, juillet 1914, pp. 4-5 ; l'avertissement de la rédaction
précise que ce texte a été écrit pour
les "Annales politiques et littéraires").
C'est, peut-être, pour témoigner de cette diversité
de l'invention et du goût artistiques de l'époque
qu'il fut demandé à des artistes aussi différents
et talentueux que Jules Chéret (1836-1933), Cappiello et
Tony Garnier de dessiner les affiches de l'Exposition. Celle de
l'architecte serre au plus près le thème de la ville
moderne régénérée par l'hygiénisme
et le fonctionnalisme. Autour de la perspective de la Grande Halle,
cantonnée de quatre petites scènes ou vignettes
"hygiénistes", elle montre des vues de Lyon,
notamment le site de la manifestation. Le programme est précisé
par la légende : Ville de Lyon, Exposition internationale,
La Cité moderne, et par l'épigraphe : L'Hygiène
devrait être "l'unique source" de toutes les lois.
Chéret et Cappiello ont conçu, chacun de leur côté,
des compositions allégoriques avec, pour l'un, le couple
du rhône et de la Saône, pour l'autre, la figure de
la Ville et celles de ses Fleuves. Proches dans leur sujet, ces
deux affiches différent profondément par le style.
On mesure quel chemin a dû parcourir Cappiello depuis l'époque
de ses débuts à Paris quand il imitait les grâces
modern style de Chéret. Ici, il est déjà
en pleine possession de ses moyens.
Empruntons à
Sylvie Bécot sa pénétrante analyse de l'apport
de Cappiello à l'art publicitaire :
"Il est le premier
à énoncer et à appliquer une théorie
de l'affiche dont les principes restent actuels : l'affiche doit
se trouver en complète opposition avec ce qui l'entoure
; elle doit faire tache claire sur fond sombre ou l'inverse ;
elle peut et doit utiliser des couleurs dissonnantes ; elle doit
provoquer la surprise par une image à la fois extravagante
et simple qui s'identifie au produit et se grave dans les mémoires
mieux que tout énoncé. Enfin ces éléments
doivent être unis par une ligne d'ensemble, une arabesque."
(Cf. Bibliothèque Nationale, 1913, catalogue de l'exposition
organisée à l'occasion du 70e anniversaire de la
fondation de la Société des Amis de la Bibliothèque
Nationale, Paris, S.A.B.N., 1983, p. 92, ill.)
Les Archives Municipales
ont l'avantage de conserver un exemplaire de chacune de ces affiches.
Le musée des beaux-arts de Lyon possède un intéressant
fonds Cappiello, donné par sa veuve. On n'y trouve pas,
cependant, la maquette ou des projets en rapport avec notre affiche.
Bibl. - Alain Charre, "Organisation esthétique des
villes et projets d'urbanisme : Lyon, 1905-1914", Travaux
de l'institut d'histoire de l'art de Lyon, cahier n° 7, 1984,
pp. 66-77, fig. 27-28 ; en particulier pp. 71-73. - Centre national
d'art et de culture Georges Pompidou, Tony Garnier : l'oeuvre
complète, Paris, Ed. du Centre Pompidou, 1989, ill. en
coul. p. 140. - Archives municipales de Lyon, Une Femme, deux
fleuves, un lion : allégories et symboles relatifs à
la ville de Lyon, depuis sa fondation jusqu'à nos jours,
catalogue de l'exposition, 20 février-31 mars 1990, multigraphié,
p. 28, n° 45 (par Sophie Martin).
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