Au Moyen Age, les foires
dont la création dépend d'un privilège du suzerain, constituent
moyen le plus efficace pour assurer la prospérité économique d'un
pays. Aussi dès 1419, les bourgeois lyonnais réclament-ils l'établissement
de foires au Dauphin Charles dont le trône est encore instable.
Ils en obtiennent deux de six jours qui, en 1425, sont abandonnées
à cause de l'état d'insécurité où se trouve le Royaume à la suite
de la coalition anglo-bourguignonne. Il faudra attendre le traité
d'Arras, en 1535, qui mettait un terme à l'affrontement entre
la France et la Bourgogne et les années de renouveau économique
qui suivirent, pour qu'on songe à rétablir les foires lyonnaises.
En 1444, Charles VII accorde 3 foires de deux jours, le mercredi
après Pâques, le 26 juillet et le jour de Saint André (30 novembre).
En 1462, Louis XI confirme
les trois foires fondées par son père. Pour lutter contre l'intluence
genevoise, il a soin de compléter ces nouveaux privilèges. Il
est défendu aux marchands français de fréquenter les foires de
Genève et aux marchands étrangers de traverser le territoire français
pour s'y rendre, sous peine de confiscation et d'amende arbitraire.
Les Bernois qui passeront ne devront rien acheter ni vendre. Il
en coûta 10000 livres à des marchands gênois qui avaient enfreint
ces ordres.
Le 8 mars, une nouvelle
ordonnance crée quatre foires de 15 jours au lieu des trois jours
traditionnels. A cet allongement de la durée des foires s'ajoutent
deux autres privilèges : les machands seront placés sous la sauvegarde
royale et seront exempts du droit d'aubaine*.
En outre le Roi décide de nommer le Sénéchal, gardien et conservateur
des foires avec juridiction sur tous les conflits de caractère
commercial. Les consuls qui, jusqu'ici, arbitraient ces affaires
ne peuvent manquer de protester. L'année suivante, le Roi consentit
à leur restituer leur ancien droit. Ils éliront désormais un prud'homme
qui aura à juger tous les procès commerciaux. Jean Grant, lieutenant
du Sénéchal, fut désigné à cette charge. Telle est l'origine du
tribunal de la Conservation.
Les foires avaient
lieu invariablement aux jours suivants : le lundi après la fête
des rois, lundi de quasimodo, le lundi après le 4 août, le lundi
après la Toussaint. Elles duraient quinze jours sans interruption
au "Royaume" comme en "Empire" (c'est-à-dire sur les deux rives
de la Saône). Les marchands en arrivèrent à étaler leur marchandise
dans toute la Ville. Les foires attiraient les marchands des provinces
et pays alentour : Bourgogne, Provence, Lorraine, Suisse, Allemagne,
Savoie, République de Gênes, Florence. Il en venait même de Barcelone.
On y vendait surtout des draps, des toiles et des soieries. Les
opérations financières, change de monnaies, compensation de lettres
et effets de commerce, avaient aussi leur importance, au point
de se prolonger pendant un mois. Ces opérations bénéficiaient
de telles garanties grâce à l'efficacité de la juridiction des
foires que tous les paiements à Lyon se faisaient "à la foire
prochaine". A l'avènement de Louis XI, les affaires les plus importantes
étaient le fait des banquiers lyonnais. Les Italiens ne tardèrent
pas à leur enlever cette suprématie. Les Lucquois et les Florentins
commencèrent, dès cette époque, à s'installer à Lyon. Ce fut d'abord
une filiale des Médicis, puis vinrent les Capponi, les Gondi,
et les Gadagni qui se fixèrent dans cette ville et en devinrent
des citoyens influents. Louis XI ira jusqu'à autoriser pour eux
la circulation à Lyon des monnaies étrangères. Conséquence des
foires. la primauté de Lyon, centre de change et de banque durera
tout au long du 16e siècle.
Sous leur forme traditionnelle,
les foires de Lyon subsistèrent jusqu'au 18e siècle. Mais dès
avant 1763, les quatre foires ne sont plus qu'un temps d'exemption
pour les marchandises qui transitent par Lyon. En 1916, le ralentissement
des échanges commerciaux du fait de la guerre, incita Edouard
Herriot à créer, à Lyon, une "foire d'échantillons" sur le modèle
des foires de Leipzig, en Allemagne. La nouvelle foire de Lyon
est, depuis lors, une manifestation commerciale régulière qui
a connu, en 1999, sa quatre-vingt-unième édition. En 1494, les
échevins avaient fait calligraphier et enluminer les onze articles
des lettres patentes de 1463 ("Privilèges des habitants de Lyon",
Inventaire Chappe, vol. XIII, p. 540, n° 18). Ce document a été
déposé par les Archives Municipales au musée historique de Lyon,
en 1926.
Bibl. - Marc Bresard,
Les Foires de Lyon aux XVe et XVIe siècles, Paris, Picart, 1914.
- Justin Godart, Les Foires de Lyon à travers les âges, conférence
faite à l'Institut Français du Royaume Uni de Londres, le 31 janvier
1924, Lyon, impr. A. Rey, 1924.
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Droit en vertu duquel la succession d'un
étranger non naturalisé était attribué, à sa mort, soit au seigneur
du lieu soit au Roi.
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